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Interview
réalisée par Cornwall (Stéphane Roger), mai 2005. DANIEL SOBRINO: Les votants étant très nombreux, et d’horizons différents (tout le monde vote pour tout le monde) il ne s’agit pas là d’une reconnaissance technique, néanmoins, il est toujours très satisfaisant pour un jeune technicien comme moi de recevoir une telle consécration, surtout pour un film sur lequel je me suis totalement impliqué (du tournage au mixage), forcément cela fait très plaisir.
C’est difficile à dire, bien sûr, cette concurrence est toujours dure, mais peut-on parler de concurrence ? Il y avait là des films dont la bande son est riche et fort bien construite, faite par des techniciens pour la plupart plus expérimentés que moi, à ce stade, on peut considérer que les trois films méritaient d’une manière ou d’une autre tout autant le César (tout comme bon nombre de films sortis cette année) à ce propos je tiens à dire qu’il s’agit dans mon cas, d’un vrai travail d’équipe, nous étions trois, Nicolas Cantin était perchman, pendant le tournage, il a fait le montage son avec moi, Nicolas Naegelen avec qui j’ai souvent travaillé par ailleurs, a comixé le film avec moi, tous les deux sont des amis, qui ont accompagné autant que moi le film vers le plus de cohérence possible dans la fabrication de la bande de son des Choristes.
Carrière est un bien grand mot (vu ma relative jeunesse dans le métier) et par ailleurs un mot que je n’aime pas bien, le son est pour moi une passion, depuis assez longtemps, comme pas mal de mes collègues, j’y suis venu par la musique, étant jeune musicien, j’étais très attiré par la technique et par le mixage (plus que par la pratique de mon instrument), ce qui m’a assez logiquement poussé vers une école technique orientée Son, j’ai réussi le concours Louis Lumière, et ai donc fait ma formation là.Très vite, m’est apparu que le son à l’image offrait plus de possibilité créative, plus de variété, (plus de travail aussi) , je me suis donc très vite tourné vers la prise de son cinéma (gardant toujours un œil sur la post production). J’ai commencé comme perchman, fait beaucoup de courts-métrages, je me suis parallèlement intéressé au montage son, le hasard des rencontres et un peu de chance m’ont amené à pouvoir faire du montage son puis, un peu plus tard, du mixage, me confortant ainsi dans l’idée, que la chaîne de fabrication de la bande son d’un film peut et doit être plus cohérente.
J’ai l’impression que du Papillon à Clean en passant par Les Choristes, mais aussi sur Vai e vem de J.C Monteiro ou Palais royal ! de Valérie Lemercier (en cours), il n’y pas de « style » commun, on pourrait même avoir l’impression d’un grand écart. J’ai la conviction que notre métier est d’essayer de se fondre dans le style du film , de comprendre ce vers quoi veut tendre un metteur en scène, essayer parfois de l’aider à le trouver, cela n’empêche pas d’avoir goût pour une chose plutôt qu’une autre. J’aime le son direct, il est la vraie base, la matière première, dans tous les films que je fais, j’insiste toujours pour pouvoir (d’un point de vue technique uniquement) avoir la maîtrise des sons directs le plus tôt possible, c’est toujours mon point de départ, de là on peut ou non construire une bande son très élaborée, ou au contraire dépouillée à l’extrême…
Cela m’amène à une deuxième remarque qui concerne la vérité sonore dans les films que vous avez mixé : sur les Choristes, les voix des personnages en particulier sont mise en avant comme cela est rarement le cas (le seul film récent me venant à l’esprit, mais qui ne fait que se rapprocher de votre travail sur les Choristes est Kill Bill de Quentin Taratino). Elles participent à un effet de réel assez troublant, à une forme de vérité psychologique qui se joue de la technique avec maestria. Enregistrées, captées et mixées de manière assez hautes, elles occupent tout le devant de la scène et articulent l’espace sonore avec émotion, corps et puissance. Il en va de même sur Le Papillon. Le travail de captation a-t-il été décidé en conséquent ? S’agissait-il d’un choix délibéré ? Avez-vous délibérement rajouté une part de bas-médium pour leur confier davantage de « corps » ? Là je crois que vous y allez
un peu fort, la comparaison, bien que très flatteuse, me semble
un peu démesurée, j’adore la manière dont
sont faits les films de Tarantino, même si les films peuvent être
discutables, leur conception technique est irréprochable, comme
l’essentiel de la production américaine de qualité,
ils ont des moyens et une recherche d’efficacité technique
desquels nous sommes, hélas, assez loin.
Autre constante objective de vos travaux : la transparence sonore, la clarté de l’évocation acoustique. On devine une prise de son aux petits oignons, ainsi que du matériel adapté. Cette signature sonore et acoustique représente t’elle pour vous une part de l’essence du cinéma Français (les production Américaines ne possèdent absolument pas ce type de son…) pour ce qui est du son ou bien s’agit-il d’un simple choix d’ordre esthétique vous concernant ? Pour ce qui est de la transparence , je pense avoir répondu dans la question précédente. Concernant la signature sonore de films français, elle vient pour l’essentiel de la culture du son direct, qu’il y eu des ingénieurs du son (Jean-Claude Laureux, notamment) qui chacun avec des mises en œuvre et des moyens différents ont poussé assez loin cette culture (voir ce culte) du son direct à tout prix, des mixeurs qui ont su défendre ces sons directs, imposer une facture sonore. La langue française, j’en suis persuadé, est plus difficile à mixer et à enregistrer que l’anglais qui supporte mieux et la compression et le filtrage sévère, culturellement nous nous sommes aussi habitués à entendre les voix américaines très « travaillées » « traitées », la langue française étant moins tolérante, nous avons dû développer une technique assez élaborée tant à la prise de son qu’au mixage (et maintenant au montage direct) pour pouvoir utiliser et rendre intelligibles ces paroles. Les techniques de filmage sont assez différentes ( même si cette différence s’amenuise) la Nouvelle Vague a rendu possible de tourner dans toutes les conditions ce qui a amené fatalement une adaptation technique. Pendant longtemps les Américains ont filmé de manière plus séparée, scènes de dialogue, (en général en gros plan) scènes d’action…
Que vous ayez remarqué les bruitages pourrait être pris comme un échec ! Ils devraient se fondre au reste de la masse du film, plus sérieusement, nous avons essayé de faire une bande son qui en même temps occupe pleinement l’espace, notamment la façade avant (L, C, R ), mais reste douce, le moins agressive possible ,cela me semblait coller à l’esthétique globale du film, le côté « sépia » un peu suranné, (une fois de plus recherche de cohérence et « raccord » avec le reste film ), il y avait bien sûr moyen de faire une bande son plus « punchy » plus « américaine », mais je crois que l’originalité de cette bande son tient aussi en cela, recherche de puissance bien sûr pour les dialogues et la musique, mais sans agressivité, le tout baignant dans des ambiances et des effets qui bien que présents n’envahissent jamais l’espace, aller vers un réalisme apparent, forcement « faux », qui évite de redire avec la bande son ce qu’évoquent déjà fort bien les comédiens et la musique, accompagner donc plutôt que souligner. Que vous ayez ressenti cela, ça c’est une victoire!
J’ai eu la chance de concrétiser
ce vieux rêve pour moi, qu’était de pouvoir faire
et superviser la bande son d’un film de A à Z, c’est-à-dire
du tournage ( j’étais ingénieur du son sur le tournage)
au montage son puis au mixage. Cela n’a pu être possible
que grâce à l’adhésion de Christophe Barratier
à cette méthode de travail. Nicolas Naegelen, qui comixe
le film avec moi, a enregistré les maquettes qui ont servi à
la diffusion des playback pendant le tournage et même (petit secret)
ont parfois servi dans le mixage final, tant il s’est opéré
ce jour là une sorte de grâce que nous avons eu du mal
à retrouver lors du réenregistrement des chants. J’étais
présent aux enregistrements et mixage des musiques ( même
si là c’est le travail de Didier Lizé, dont c’est
la spécialité, travail remarquable d’ailleurs),
mais il me semblait important d’assurer le lien entre la conception
de la bande son et le mixage des musiques, il n’y a d’ailleurs
eu aucun problème, chacun étant de toute façon
convaincu que tout le monde travaille dans le sens du film et non pas
pour protéger telle ou telle chapelle ou méthode de travail.
La sérénité et la confiance mutuelle qui ont accompagné
de bout en bout la fabrication de ce film doivent contribuer je pense
à la sérénité qu’il dégage.
Le courant est très vite passé entre nous, il s’est installé un climat de confiance assez exceptionnel (même si le tournage n’a pas été très facile, c’était pendant la canicule), nous sentions que nous parlions de la même chose avec les mêmes mots, de mon coté, c’est une vraie constante que d’essayer coûte que coûte d’être à l’écoute du metteur en scène (à fortiori pour un premier long métrage ) de tenter d’aller dans son sens, en lui amenant tout le savoir faire dont on dispose. Le style sonore du film, je l’ai évoqué plus haut , bien sûr nous en avons parlé, mais souvent, plus que de parler il faut donner à écouter, nous avons très vite au début du montage son, fait écouter notre travail à Christophe, c’est dans ces premiers temps que s’est dessinée la « couleur » sonore du film, induite par son image, son découpage, le rythme interne des plans, le montage image, les musiques dont nous avons eu très tôt les maquettes. Ce sont des choses dont on peut avoir l’intuition, mais qui, la plupart du temps, s’imposent lors des phases de fabrication.
Une fois de plus la voix et la musique parlent d’elles mêmes, tant dans leur puissance évocatrice, que par leurs imperfections, inutile donc d’en rajouter, des voix un peu fragiles n’auraient pas de sens mixées très fort, j’ai préféré jouer un peu les plans sonores (varier en fonction de la valeur de plan, appuyer ou non telle phrase du chant de Morhange/Jean-Baptiste) essayer de trouver la juste place de la musique instrumentale (forcément fausse puisqu’à l’exception d’un guide chant, on ne voit aucun instrument). Pour les voix la force et le réalisme passent, à mon sens, beaucoup par le canal central, véritable colonne vertébrale de ce mixage, mais aussi par un gauche/droite puissant, présent, le film est en CinémaScope, il faut donc s’appuyer sur toute la largeur de l’écran, du moins dans les phases musicales, pour obtenir réalisme et puissance. Sauf vers la fin du film où les musiques sont plus prenantes, prenant plus part à la dramaturgie, je n’ai pas trop forcé sur les « surrounds », pour garder un côté un peu « plat » aux chants et même au début un côté presque débutant, sans trop d’épaisseur, ce qui nous laissait la possibilité d’épaissir et d’élargir au fur et à mesure que cette chorale progressait. Bien sûr tout cela se prépare, nous avons beaucoup discuté avec Bruno Coulais, Christophe Barratier, Didier Lizé, en amont du tournage, pour trouver les méthodes les plus adaptées et les plus souples tant pour le tournage que pour la post-production.
Le mixage 6 pistes (5.1), que l’on dit aussi « discret », du fait que chaque piste gravé sur le support ( L,C,R,Ls,Rs,LFE) correspond à un canal de diffusion, bien qu’il faille pondérer, dans le cas de DTS, qui opère un matriçage entre les 2 canaux arrières (Ls,Rs) et le renfort de basses (LFE). Le mixage 5.1 permet donc de mieux repartir, comme on le veut les sources, mieux gérer la largeur, maîtriser ce qui ce passe dans les surrounds, la dynamique est aussi bien plus grande, on a donc à notre disposition plus d’outils pour varier les intentions, et tenter de générer des sensations. Je ne compresse pas les masters mais le plus possible les sons à la source, je préfère mélanger des sons dont j’ai préalablement maîtrisé la dynamique plutôt que de gérer la dynamique d’un ensemble des sons mélangés. La frontière, dans ma méthode de travaille, entre montage son et mixage n’est pas évidente, bien sûr il y a un temps pour monter et un temps pour mixer mais, j’essaie malgré tout, qu’il y ait le moins de discontinuité possible entre les deux étapes, comme je monte les sons que je vais mixer, il est plus facile d’anticiper, de préparer, pour que la fabrication de la bande son du film se fasse de manière fluide. Je ne distingue pas d’étape prépondérante, n’opère pas de hiérarchie entre montage son et mixage, les deux étapes concourent également à la construction sonore du film. Le point de départ c’est, pour moi, le son direct, puis dans le cas particulier des « Choristes » la musique.
Etes-vous intervenu lors de l’encodage de votre travail en Dolby Digital et DTS 5.1 ? Des conseillers étaient-ils présents pour vous assister ? Comment se déroule le processus ? Comment jugez-vous la différence entre votre copie de travail et le résultat final, une fois l’encodage terminé ? Quel format sonore a retenu votre préférence pour l’exploitation cinéma ? Concrètement,
il existe quelques différences assez importantes entre les 2
formats 5.1, DTS moins compressé, devrait être de meilleure
qualité, mais le procédé de matriçage surrounds/LFE
est assez pénalisant (Le codec employé pour l'exploitation
d'un film encodé DTS au cinéma est nommé "DTS
6D". Il est différent du codec employé sur DVD, plus
performant, baptisé "DTS Coherent Acoustics" NDLR),
de plus le fait qu’au final, DTS soit en 44.1 kHz impose une conversion,
alors que le Dolby SRD permet une chaîne « tout numérique
» assez rassurante, (même si, étant en 20bits en
entrée, Dolby est assez avare d’information sur le passage
24bits/20bits), cependant l’AC3 (algorithme de compression du
système Dolby), n’est pas si transparent… donc une
fois de plus rien n’est parfait !
Bien sûr, une de mes préoccupations est que le film, une fois mixé, soit correctement exploité (donc entendu comme nous avons voulu qu’il soit entendu) cela impose évidemment en amont, d’adapter son mixage à ce que peut être aujourd’hui la diffusion d’un film en salle, mais aussi d’aller écouter dans différentes salles (des bonnes des moyennes des médiocres) le résultat.
Quel passage des Choristes vous a donné le plus de fil a retordre ? D’après vous, quel passage du film illustre au mieux votre travail, dont vous êtes le plus fier en terme de création et de qualité ? Honnêtement, c’est une question assez délicate, je suis fier et assume tout ce qui est dans cette bande son, elle a forcément des défauts, des imperfections, cependant tous les gens qui ont travaillé avec moi à son élaboration y auront mis tout leur savoir faire et, je pense, du cœur, c’est probablement de cela dont je suis fier, car au final, je pense que cela a eu une incidence sur la qualité du son du film. Quelque part j’espère (j’en suis persuadé) que cela s’entend.
Là par contre il y a une différence assez importante entre les deux formats, et ma préférence va très nettement au DTS, qui est très proche du mixage qui a été livré à l’encodage, on ne peut pas en dire autant du Dolby, le système de « normalisation » inévitable, délicat à régler, pénalise à mon sens terriblement (et inutilement) ce format. J’ai bien sûr demandé à écouter le Master DVD.
Quelles sont vos bandes-sons préférées dans le cinéma mondial ? Lesquelles vous ont inspirées en terme de mixage multicanal? J’analyse peu, voir pas, les bande-son des films que je vais voir, je reste un spectateur, je suis juste attentif à la cohérence de la bande son avec le propos et le style du film, c’est souvent après coup que me reviennent des sensations, des impressions, et là, je cherche à comprendre comment c’est fait et pourquoi ça marche. J’aime donc toutes les bandes son, des plus simples et dépouillées aux plus élaborées, pour peu que cela serve une intention. J’adore le traitement du son des films de David Lynch, sinon il faudrait quelques pages pour citer les films qui d’une manière ou d’une autre m’ont plu.
Quels sont vos projets actuels ? Avez-vous une perspective de travail dans d’autres pays ? Je viens de terminer le mixage de Palais royal ! de Valérie Lemercier, et m’apprête à mixer Lili et le Baobab premier long-métrage de Chantal Richard, (deux films assez loin l’un de l’autre tant par le propos que par le budget, et les moyens mis en œuvre)… J’envisage aussi de partir en vacances avec mes enfants, vous voyez que je ne suis malheureusement pas libre pour le prochain Scorsese , Spielberg ou Lucas (n’insistez pas Martin, Steven et Georges, je suis désolé mais c’est NON ! ! !)…….
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"SONO-FILMOGRAPHIE" DE DANIEL SOBRINO Palais royal! (2005) (post-production)
Stéphane
Roger tient à remercier chaleureusement Daniel Sobrino, pour
cette interview qui honore Revolusound, mais aussi Eva Simonet, attachée
de presse pour Les Choristes sans qui rien n'aurait été
possible. |
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